Israël a mené deux raids en Syrie en 48 heures, affirmant vouloir
empêcher un transfert d’armes au Hezbollah libanais. Alors que le
conflit en Syrie a déjà fait en plus de deux ans 70 000 morts, ces raids
risquent de marquer un tournant avec une implication ouverte d’Israël
tandis que l’Iran, son ennemi juré, s’est dit prêt à "entraîner" l’armée
syrienne, avec laquelle le Hezbollah a reconnu combattre. Le secrétaire
général de l’ONU Ban Ki-moon s’est déclaré "très préoccupé" et a appelé
au calme.
Selon la Syrie, l’État hébreu a frappé dans la nuit de samedi à
dimanche trois positions militaires au nord-ouest de Damas avec des
missiles tirés par des avions venus d’Israël via le Liban. "Cette
agression a causé des morts et des blessés et des destructions graves",
assure le ministère des Affaires étrangères dans une lettre au Conseil
de sécurité de l’ONU. Ce raid a visé un centre de recherches
scientifiques à Jamraya, déjà visé fin janvier par une attaque
israélienne, ainsi que deux objectifs militaires - un important dépôt de
munitions et une unité de la défense antiaérienne -, selon un diplomate
à Beyrouth s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Un responsable israélien a confirmé la frappe, affirmant qu’elle
"visait des missiles iraniens destinés au Hezbollah". "Chaque fois que
des informations parviendront à Israël sur un transfert de missiles ou
d’armements de Syrie au Liban, ils seront attaqués", a-t-il prévenu.
L’Iran a aussitôt répliqué par la voix du commandant de l’armée de
terre, le général Ahmad-Reza Pourdastan, qui s’est dit prêt à
"entraîner" l’armée syrienne. La télévision syrienne a annoncé en soirée
que "les missiles étaient prêts pour frapper des cibles précises en cas
de violation", sans plus de précisions.
En Israël, deux batteries antimissiles ont été déployées dans le nord
du pays. L’armée israélienne a également ordonné la fermeture de
l’espace aérien dans le nord du pays jusqu’au 9 mai. Le Premier ministre
israélien a présidé une réunion d’urgence de son cabinet de sécurité
sur la Syrie, avant de partir pour une visite officielle en Chine. En
Syrie, des habitants du nord-ouest de Damas, à quelques kilomètres de
Jamraya, ont décrit l’attaque israélienne comme "un tremblement de
terre", évoquant "un ciel où se mêlaient de manière terrifiante le rouge
et le jaune". Une vidéo postée par des militants, qui n’a pu être
authentifiée, montre dans la nuit d’immenses flammes et des explosions.
Pour Damas, ce raid prouve que les rebelles sont "les outils d’Israël
à l’intérieur" du pays. Et "la communauté internationale doit savoir
que la situation dans la région est devenue plus dangereuse après
l’agression", a déclaré le ministre de l’Information Omrane al-Zohbi.
Dans la lettre à l’ONU, Damas a accusé l’État hébreu d’appuyer les
rebelles, notamment le Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaida. De
son côté, l’Armée syrienne libre (ASL, rebelles) a estimé que ses
opérations n’étaient "pas liées aux raids israéliens ou à autre chose"
tandis que la Coalition de l’opposition a condamné le raid israélien,
mais accusé le régime d’être responsable de l’affaiblissement de l’armée
qu’il utilise "contre la population". Le responsable israélien a aussi
confirmé un raid lancé dans la nuit de jeudi à vendredi à proximité de
l’aéroport de Damas, là encore contre des armes destinées selon lui au
Hezbollah.
Samedi, le président américain Barack Obama a estimé qu’il était
"justifié" que les Israéliens cherchent à "se protéger contre le
transfert d’armes sophistiquées à des organisations terroristes comme le
Hezbollah".
L’Égypte, l’Algérie et la Ligue arabe ont condamné dimanche
ces raids. Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a
estimé qu’il illustrait le "danger croissant sur la paix" et renforçait
la nécessité de lever l’embargo européen sur les armes pour les rebelles
syriens. Mais pour son homologue autrichien, Michael Spindelegger, "il
n’y a pas de lien entre la question de l’embargo sur les livraisons
d’armes et les attaques israéliennes en Syrie. Au contraire, cela
démontre qu’il y a trop d’armements en Syrie".
De son côté, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a
plaidé lundi pour "une solution politique" dans le conflit syrien. "La
situation en Syrie est une véritable tragédie", qui gagne les pays
voisins, tels que la Jordanie ou le Liban, a déclaré le ministre des
Affaires étrangères en visite à Hong Kong. "Il ne s’agit plus simplement
d’un drame local, mais régional", a-t-il ajouté.
Sur le terrain, le conflit a gagné il y a quelques jours le coeur du
pays alaouite, la minorité dont est issu Bashar el-Assad, exacerbant les
tensions confessionnelles. En trois jours de combats dans ce réduit
alaouite, l’Observatoire syrien des droits de l’homme a rapporté deux
"massacres" de sunnites, l’opposition dénonçant un "nettoyage ethnique".
Dimanche, dans cette région côtière, de nouveaux bombardements ont visé
des zones sunnites, tandis que des combats faisaient rage à Qousseir,
près du Liban, entre insurgés et soldats syriens appuyés par le
Hezbollah. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié le
président Assad de "tueur", affirmant qu’il paierait "un prix très, très
élevé" pour ce qu’il fait dans son pays.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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