lundi 6 mai 2013

Libye : des miliciens cernent des ministères, veulent le départ du cabinet

Des hommes armés cernaient toujours lundi des ministères à Tripoli, malgré l’adoption d’une loi controversée qu’ils réclamaient, a indiqué un leader de la protestation, affirmant que le siège des ministères se poursuivrait jusqu’à la chute du gouvernement d’Ali Zeidan. "Nous sommes déterminés à poursuivre notre mouvement jusqu’au départ d’Ali Zeidan", a indiqué Oussama Kaabar après que des miliciens ont affirmé dimanche qu’ils se retireraient des abords des ministères de la Justice et des Affaires étrangères, après l’adoption de la loi excluant les anciens collaborateurs du régime déchu. Des hommes armés et des véhicules équipés de mitrailleuses et de canons antiaériens cernaient toujours lundi les deux ministères.

"L’adoption de la loi sur l’exclusion politique constitue un grand pas sur la bonne voie. Mais nous allons prendre notre temps pour examiner certains points de cette loi", a déclaré Oussama Kaabar, membre de la Coordination pour l’exclusion politique et vice-président du Conseil supérieur des thowars (révolutionnaires) libyens. "D’un autre côté, nous sommes déterminés à faire tomber le gouvernement d’Ali Zeidan", a-t-il dit, accusant le Premier ministre de "provoquer les thowars", les ex-rebelles ayant combattu le régime de Muammar Kadhafi, et de former une force pour les évacuer de la capitale. Le gouvernement d’Ali Zeidan avait lancé il y a quelques semaines une campagne pour évacuer de la capitale les "milices hors la loi". Des réformes ont été entreprises également pour lutter contre 300 000 salaires fictifs, selon le Premier ministre.

"Nous espérons qu’Ali Zeidan reconnaisse son incapacité (à gouverner). Je ne comprends pas pourquoi cet homme tient autant à son poste", a indiqué Oussama Kaabar, un ex-rebelle proche des islamistes. Au sujet de négociations qui auraient été engagées avec le gouvernement, Oussama Kaabar a indiqué : "Nous refusons tout dialogue avec Ali Zeidan." Réunis à Tripoli, des commandants d’ex-rebelles ont indiqué samedi que le gouvernement aurait accepté d’attribuer cinq ministères aux thowars.

Le Congrès général national libyen (CGN, Parlement) a adopté dimanche un projet de loi controversé sur l’exclusion politique des anciens collaborateurs du régime déchu de Mammar Kadhafi, sous la pression des miliciens armés qui exigeaient l’adoption de ce texte. Ces miliciens, qui cernaient depuis quelques jours les ministères des Affaires étrangères et de la Justice pour réclamer l’adoption de cette loi, ont annoncé, juste après le vote, qu’ils suspendaient leur mouvement. "Les protestataires sont divisés. Certains qui réclamaient seulement l’adoption de la loi ont suspendu leur mouvement. D’autres qui ont d’autres revendications restent sur place", a indiqué un autre leader du mouvement.

La loi, adoptée par 164 voix contre 4, devrait encore être ratifiée par la commission juridique du CGN. Elle exclut d’office le président du CGN, Mohamed al-Megaryef, qui avait été ambassadeur en Inde sous le régime de Muammar Kadhafi durant les années 1980. "Il est un peu tôt pour parler d’exclusion de M. Megaryef. D’ici une semaine à dix jours, on verra plus clair", a indiqué une source proche du président de l’Assemblée, laissant entendre la possibilité d’"amendements". Dans une lettre adressée au Congrès, Mohamed al-Megaryef a expliqué qu’il n’assistait pas au vote pour "ne pas embarrasser les membres du Congrès, dans la mesure où il était concerné" par la loi. La loi risque d’écarter aussi au moins quatre ministres du gouvernement d’Ali Zeidan et une quinzaine de députés, dont le vice-président du CGN, Jomaa Atiga, selon un responsable libyen.

La loi prévoit la formation d’une commission qui se chargera de l’application de la loi qui écarte de la vie politique les personnalités ayant occupé des postes de responsabilité sous l’ancien régime, depuis le 1er septembre 1969, date d’arrivée au pouvoir de Muammar Kadhafi, jusqu’à la chute de son régime, en octobre 2011, après huit mois de conflit. Sont concernés par cette loi les anciens ministres, ambassadeurs, directeurs de médias et officiers de la sécurité intérieure, voire les dirigeants de syndicats d’étudiants ou doyens de faculté.

L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a mis en garde le CGN contre une adoption précipitée de la loi pour satisfaire des milices qui encerclaient des ministères à Tripoli. "Le CGN ne doit pas se laisser bousculer pour adopter de très mauvaises lois parce que des groupes d’hommes armés l’exigent", a estimé Sarah Leah Whitson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. "Les perspectives à long terme pour la paix et la sécurité en Libye seront fortement affectées si le Congrès accepte de plier", a-t-elle dit dans un communiqué.

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