Anéanti par la fatigue, Mohammad, un Syrien de 35 ans, est allongé
avec une trentaine de ses compatriotes dans les salles d’un modeste
hôpital à Minié, dans le nord du Liban. Pendant cinq jours, blessé à une
jambe à Qousseir, il a traversé à pied montagnes et vallées, se cachant
derrière les arbres pour éviter l’armée syrienne qui a reconquis cette
région.
Mohammad, qui ne souhaite pas révéler sa véritable identité, a été
touché par un bombardement le 5 juin, quelques heures avant la capture
de l’ex-fief rebelle de Qousseir par les troupes du régime syrien
appuyée par le Hezbollah.
Le journaliste de l’AFP a été prié de ne pas demander aux blessés s’ils
étaient des rebelles et quelles sont les routes qu’ils ont empruntées
pour arriver à la frontière libanaise, située à 10 km de Qousseir.
"On a essayé de me faire sortir de la ville dans un pick-up, mais il y
avait tellement de destructions et le véhicule n’a pas pu avancer", se
souvient ce jeune à la barbe fournie, le visage extrêmement pâle. "On
est sorti de la ville à pied alors je perdais beaucoup de sang",
précise-t-il, allongé dans les mêmes vêtements qu’il portait depuis cinq
jours, un jean sale et u T-shirt gris.
Arrivé dans un village voisin dont il préfère ne pas révéler le nom, il a
été soigné dans un dispensaire rudimentaire aux côtés d’autres blessés.
"Il n’y avait pas assez de sang pour faire des transfusions pour tout le
monde. Ils ont soigné ma blessure mais sans pouvoir compenser les
pertes de sang", dit-il.
"Nous avons marché pendant cinq jours, durant la nuit, pour ne pas être
repérés par les patrouilles de l’armée", se souvient Mohammad. "On se
reposait le jour et dès qu’on voyait des soldats, on se cachait derrière
des arbres et dans les champs", soutient-il.
La région séparant Qousseir de la frontière libanaise est rocailleuse, avec des montagnes et des vallées à n’en plus finir.
"Il y avait des gens blessés au pied, d’autres avec des éclats au ventre
et au dos, on n’avait même pas de calmants pour apaiser la douleur",
explique Mohammad, la voix très faible. "Une fois, quelqu’un a eu une
hémorragie. on lui a bandé la blessure avec des vêtements",
raconte-t-il.
Leur calvaire s’est terminé dimanche à l’aube, lorsque des Syriens les
ont évacués vers la région libanaise d’Akkar, avant que la Croix-Rouge
libanaise ne les transfère vers Minié, proche de la côte
méditerranéenne.
Akram, un homme maigre de 40 ans, faisait partie du même groupe.
En bretelle couleur marine et en short prêté par l’hôpital, il a été
blessé aux jambes, au dos et derrière la tête, par des éclats de
roquette. "J’étais devant ma maison à Qousseir quand une roquette s’est
abattue devant moi. Je suis resté une demi-heure au sol", se
souvient-il.
Il se rappelle des "bombardements terribles" le jour de la prise de
Qousseir ou encore de l’hôpital de fortune de la ville où "l’on manquait
de compresses de gaze pour les blessures". "Ils sont arrivés dimanche à
06H00 du matin, hirsutes, épuisés psychologiquement", explique à l’AFP
Amer Alameddine, le directeur de l’hôpital de Minié.
Dans chaque salle sont allongés deux blessés, dans un silence écrasant.
"Certains n’arrivaient pas à répondre aux questions des médecins
tellement ils étaient anéantis, ils se sont endormis tout de suite",
dit-il. "La majorité voulait surtout manger", explique M. Alameddine.
"On a immédiatement désinfecté les blessures qui ont provoqué des
inflammations".
Abou Raed, un Syrien qui s’occupe du dossier des réfugiés dans le nord
du Liban, affirme à l’AFP que l’hôpital a été "loué" par des militants
pour accueillir les blessés, tandis que des associations libanaises
apportent du pain, nourriture et des matelas.
L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) s’inquiète du sort de
centaines de blessés encore pris au piège dans la région de Qousseir,
pour laquelle l’ONU a demandé un accès humanitaire "immédiat".
L’armée syrienne et le Hezbollah ont pu reconquérir cette région face à des rebelles faiblement équipés.
(10-06-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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