Le conseil national de l’Istiqlal, parti conservateur et principal
allié des islamistes au pouvoir depuis un an et demi au Maroc, a annoncé
samedi son retrait du gouvernement, une décision qui ouvre la voie à un
remaniement, voire à des élections anticipées.
L’Istiqlal, qui détient cinq portefeuilles dont ceux de l’Education
et de l’Economie, a fait ce choix en raison de l’incapacité du chef du
gouvernement, Abdelilah Benkirane, à prendre "en considération la
gravité de la situation économique et sociale", selon un communiqué de
son conseil national.
M. Benkirane, chef du Parti islamiste justice et développement (PJD),
est également accusé de "monopoliser les décisions au sein du
gouvernement".
Interrogé par l’AFP, le porte-parole de l’Istiqlal, Adil Benhamza, a
précisé qu’une "note" allait être transmise "au roi Mohammed VI pour
expliquer les raisons qui ont poussé notre parti à prendre une telle
décision". "Il revient maintenant au chef du gouvernement, M. Benkirane,
de décider des suites à donner à cette décision", a-t-il ajouté.
Cité par l’agence MAP, le patron des députés islamistes, Abdellah
Bouanou, a pour sa part confirmé que "toutes les possibilités" étaient
inscrites dans la Constitution, "formation d’une nouvelle majorité" ou
"législatives anticipées".
Avec 60 sièges sur 395 à la première chambre, l’Istiqlal est la
deuxième force politique du royaume après le PJD. Outre ses cinq
ministres, il compte parmi ses dirigeants le président du Parlement,
Karim Ghellab.
Le chef de ce parti historique de l’indépendance est le maire de Fès
(centre), Hamid Chabat, un trublion de la vie politique marocaine qui a
multiplié les sorties médiatiques contre le gouvernement Benkirane
depuis son élection à la tête de l’Istiqlal en septembre.
Interrogé au cours de la semaine écoulée sur l’attitude de ce
turbulent allié, M. Benkirane avait assuré qu’il ne se souciait "guère"
des rumeurs de remaniement, selon le quotidien arabophone Al-Ahdath
Al-Maghribia.
Cantonné dans l’opposition pendant des décennies, les islamistes du
PJD ont remporté un succès historique aux législatives de fin 2011.
Ne disposant pas de la majorité, ils ont toutefois dû former une
coalition hétéroclite au sein de laquelle figurent l’Istiqlal mais aussi
le Mouvement populaire (MP) et le Parti du Progrès et du Socialisme
(PPS).
S’ils veulent éviter de nouvelles élections, les islamistes vont donc
devoir trouver de nouveaux alliés pour compenser le départ de
l’Istiqlal.
Le succès électoral du PJD il y a un an et demi, peu après l’adoption
d’une nouvelle Constitution censée renforcer les pouvoirs du
gouvernement, avait soulevé un vent d’espoir au sein de la population,
dans le contexte du Printemps arabe.
Mais le Maroc, pays de près de 35 millions d’habitants, reste
confronté à une situation économique et sociale délicate, malgré un
solide taux de croissance. Le déficit public a atteint plus de 7% du PIB
l’an dernier et les grandes réformes sociales (retraites, subvention de
produits de grande consommation...) se font attendre.
Dans son communiqué, l’Istiqlal avance que sa décision intervient
alors qu’il a "alerté le gouvernement sur plusieurs erreurs concernant
la gestion de problèmes stratégiques" du pays.
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