L’assemblée nationale libyenne examinait dimanche un projet de loi
controversé sur l’exclusion politique des anciens collaborateurs du
régime déchu de Muammar Kadhafi, sous la pression de milices armées qui
exigent l’adoption de ce texte.
Le Congrès général national (CGN), un Parlement aux pouvoirs élargis,
a entamé sa réunion alors que des miliciens cernent depuis plusieurs
jours les ministères des Affaires étrangères et de la Justice à Tripoli
et menacent d’étendre leur action à d’autres institutions si le texte
n’était pas voté rapidement.
"Le projet de loi sur l’exclusion politique est à l’ordre du jour de
notre réunion. Selon le déroulement de la séance, on décidera s’il y
aura vote ou pas", a déclaré à l’AFP Abdelfattah Cheloui, un député
indépendant. "La tendance va plutôt vers un vote aujourd’hui".
Le projet de loi divise la classe politique car il risque d’écarter plusieurs hauts responsables actuels.
Selon le texte, seront exclus de la vie politique durant cinq ans
toutes les personnes ayant occupé des postes de responsabilités depuis
le 1er septembre 1969, date d’arrivée au pouvoir de Muammar Kadhafi,
jusqu’à la chute de son régime en octobre 2011 après huit mois de
conflit.
"Le CGN ne doit pas se laisser bousculer pour adopter de très
mauvaises lois, parce que des groupes d’hommes armés l’exigent", a
estimé Sarah Leah Whitson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour
le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
"Les perspectives à long terme pour la paix et la sécurité en Libye
seront fortement affectées si le Congrès accepte de plier", a-t-elle dit
dans un communiqué transmis à l’AFP.
Débattu maintes fois au CGN, la plus haute autorité politique formée
de 200 membres, le projet n’a pas fait consensus, car l’Alliance des
forces nationales (AFN, libérale) qui a remporté les législatives de
juillet 2012, estimait qu’il a été fait sur mesure pour exclure son
chef, Mahmoud Jibril.
Ce dernier était président du Conseil économique et social du temps
de Kadhafi. Le projet de loi risque aussi d’écarter le Premier ministre
Ali Zeidan et le président du CGN, Mohamed al-Megaryef, qui étaient tous
deux des diplomates sous l’ex-régime avant de se ranger du côté de
l’opposition en exil.
Un compromis aurait été trouvé toutefois sur un projet de loi qui
prévoirait des "exceptions", dont pourraient bénéficier des
personnalités ayant appuyé la révolution de 2011. Cette clause
d’exception épargne également les personnalités dont le maintien "sert
l’intérêt national".
Mais les milices ont averti qu’elles rejetaient toute exception.
Début avril, le CGN avait adopté, sous la pression des partisans de
l’exclusion des collaborateurs de Kadhafi, un amendement sur la
Déclaration constitutionnelle provisoire, rendant impossible tout
recours devant la justice contre cette loi avant même son vote.
Autre concession concédée par les députés est le changement de la
majorité, la loi nécessitant désormais une majorité de 100 voix plus une
pour être approuvée .
Samedi, M. Zeidan, a répété que, face aux miliciens qui bloquent des
institutions de l’Etat, son gouvernement a privilégié le dialogue et la
"patience".
Mais les Libyens accusent de "faiblesse" les autorités qu’ils
estiment incapables de former une police et une armée pouvant faire le
poids face à des miliciens lourdement armés, les ex-rebelles qui avaient
combattu les forces de Kadhafi en 2011.
Adulés après la chute du régime Kadhafi, ces ex-rebelles s’étaient
vus confiés par les autorités de transition, le contrôle des frontières,
des prisons et des installations stratégiques du pays.
Ils ont bénéficié de salaires et différents avantages de la part des
autorités, et se livrent à des actes de racket en toute impunité.
Réunis à Tripoli, des commandants d’ex-rebelles, ont d’ailleurs
indiqué que le gouvernement aurait accepté d’attribuer cinq ministères
aux "thowars" (révolutionnaires).
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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