Le Congrès général national libyen (CGN, Parlement),a adopté dimanche
un projet de loi controversé sur l’exclusion politique des anciens
collaborateurs du régime déchu de Muammar Kadhafi, sous la pression de
miliciens armés qui exigeaient l’adoption de ce texte.
Ces miliciens qui cernaient depuis quelques jours les ministères des
Affaires étrangères et de la Justice pour réclamer l’adoption de cette
loi ont annoncé à l’AFP, juste après le vote, qu’ils suspendaient leur
mouvement.
Cette loi adoptée par 164 voix contre quatre, devrait encore être ratifiée par la Commission juridique du CGN.
Elle exclut d’office le président du CGN Mohamed al-Megaryef, qui
avait été ambassadeur en Inde sous le régime de Muammar Kadhafi durant
les années 1980.
"Il est un peu tôt pour parler d’exclusion de M. Megaryef. D’ici une
semaine à dix jours, on verra plus clair", a indiqué à l’AFP une source
proche du président de l’Assemblée, laissant entendre la possibilité
d’"amendements".
Dans une lettre adressée au Congrès, M. Megaryef a expliqué qu’il
n’assistait pas au vote pour "ne pas embarrasser les membres du Congrès,
dans la mesure où il était concerné" par la loi".La loi risque d’écarter aussi au moins quatre ministres du
gouvernement d’Ali Zeidan et une quinzaine de députés, dont le
vice-président du CGN, Jomaa Atiga, selon un responsable libyen.
La loi prévoit la formation d’une commission qui se chargera de
l’application de la loi qui écarte de la vie politique les personnalités
ayant occupé des postes de responsabilité sous l’ancien régime, depuis
le 1e septembre 1969, date d’arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi,
jusqu’à la chute de son régime en octobre 2011 après huit mois de
conflit.
Sont concernés par cette cette loi, les anciens ministres,
ambassadeurs, directeurs de médias et officiers de la sécurité
intérieure, voire les dirigeants de syndicats d’étudiants ou doyens de
facultés.
L’organisation de Défense des droits de l’homme, Human Right Watch, a
mis en garde le CGN contre une adoption précipitée de la loi pour
satisfaire des milices qui encerclaient des ministères à Tripoli.
"Le CGN ne doit pas se laisser bousculer pour adopter de très
mauvaises lois, parce que des groupes d’hommes armés l’exigent", a
estimé Sarah Leah Whitson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour
le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
"Les perspectives à long terme pour la paix et la sécurité en Libye
seront fortement affectées si le Congrès accepte de plier", a-t-elle dit
dans un communiqué transmis à l’AFP.
Débattu maintes fois au CGN, la plus haute autorité politique formée
de 200 membres, le projet n’a pas fait l’unanimité, car l’Alliance des
forces nationales (AFN, libérale) qui a remporté les législatives de
juillet 2012, estimait qu’il a été fait sur mesure pour exclure son
chef, Mahmoud Jibril.
Ce dernier était président du Conseil économique et social du temps de Kadhafi.
Début avril, le CGN avait adopté, sous la pression des partisans de
l’exclusion des collaborateurs de Kadhafi, un amendement sur la
Déclaration constitutionnelle provisoire, rendant impossible tout
recours devant la justice contre cette loi avant même son vote.
Autre concession concédée par les députés est le changement de la
majorité, la loi nécessitant désormais une majorité de 100 voix plus une
pour être approuvée .
Samedi, M. Zeidan, a répété que, face aux miliciens qui bloquent des
institutions de l’Etat, son gouvernement a privilégié le dialogue et la
"patience".
Mais les Libyens accusent de "faiblesse" les autorités qu’ils
estiment incapables de former une police et une armée pouvant faire le
poids face à des miliciens lourdement armés, les ex-rebelles qui avaient
combattu les forces de Kadhafi en 2011.
Adulés après la chute du régime Kadhafi, ces ex-rebelles s’étaient
vus confier par les autorités de transition, le contrôle des frontières,
des prisons et des installations stratégiques du pays.
Ils ont bénéficié de salaires et différents avantages de la part des
autorités, et se livrent à des actes de racket en toute impunité.
Réunis à Tripoli, des commandants d’ex-rebelles, ont d’ailleurs
indiqué que le gouvernement aurait accepté d’attribuer cinq ministères
aux "thowars" (révolutionnaires).
(05-05-2013)
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