vendredi 14 septembre 2012

Liban : Le pape Benoît XVI entame une visite délicate au Liban

Le pape Benoît XVI a quitté Rome vendredi pour sa première visite au Liban lors de laquelle il lancera un message de paix dans ce pays miné par les dissensions politico-religieuses et inquiet d’un débordement du conflit en cours en Syrie voisine. Quinze ans après la visite historique de son prédécesseur très populaire, Jean-Paul II, qui avait qualifié de "message" la coexistence au Liban de 35 % de chrétiens et de 64,6 % de musulmans, le pape devrait s’adresser à ses fidèles, divisés aussi bien sur la politique intérieure que sur la guerre en Syrie. Il s’agit de l’un des voyages les plus délicats du souverain pontife, qui vient également conforter des chrétiens d’Orient inquiets face au raz-de-marée islamiste à la suite des révoltes arabes.
Cette visite intervient au moment où un film américain ridiculisant le prophète Muhammad (sws) a déclenché des manifestations violentes dans plusieurs capitales de la région et une attaque à Benghazi (Libye), qui a causé la mort de quatre Américains, dont l’ambassadeur des États-Unis en Libye. Ses propos sont très attendus sur le dialogue avec l’islam, la démocratie, mais aussi le conflit israélo-palestinien et la question syrienne. Benoît XVI pourrait lancer un nouvel appel à la cessation immédiate de toute violence et livraison d’armes aux belligérants. Mais le pape "ne vient pas dans la région en puissant chef politique", a prévenu le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, et Joseph Ratzinger devrait donc éviter les prises de position politiques.

Au Liban, et notamment dans "le pays chrétien" au nord de Beyrouth, l’effervescence battait son plein quelques heures avant l’arrivée du souverain pontife, prévue à 13 h 45 locales (12 h 45 à Paris) à l’aéroport international de Beyrouth où le trafic aérien a été suspendu de 13 heures (12 heures à Paris) à 15 heures (14 heures à Paris). Plusieurs routes ont été coupées à Beyrouth et ses banlieues par mesure de sécurité pour cette visite sous haute surveillance, les autorités ayant affirmé à plusieurs reprises que toutes les forces de l’ordre étaient mobilisées, en coopération avec des services de renseignements étrangers.
"Le Liban attend la visite de la paix", titrait la presse locale vendredi, tandis que des banderoles dans les rues souhaitaient la bienvenue au pape en arabe, en français, en allemand et en anglais. Trois grandes croix fleuries ont été accrochées sur des ponts. "C’est génial, tous les gens sont très excités, cette visite est une bénédiction pour le Liban", s’exclame Liliane Khalifé, 50 ans, de la montagne chrétienne du Keserouan. "La meilleure chose, c’est qu’on n’entend plus nos politiciens à la télé, même eux semblent unis pour les préparatifs de la visite." Toutes les écoles chrétiennes ont fermé leurs portes pour l’occasion.
À son arrivée à l’aéroport, le pape, âgé de 85 ans, sera salué par 21 salves de canons et accueilli par les dirigeants libanais, dont le président de la République Michel Sleimane, seul chef d’État arabe chrétien. À ce moment-là également, les cloches des églises du pays entier retentiront en hommage au chef de l’Église catholique. Il traversera la route de l’aéroport qui jouxte la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, le puissant parti chiite armé. La route a d’ailleurs été décorée de banderoles jaunes - couleur du Hezbollah - signées du "parti de Dieu" sur lesquelles on pouvait lire "Bienvenue dans la patrie de la Résistance", en référence à la lutte armée menée contre Israël par le parti. Seule fausse note vendredi matin, des photos du pape ont été déchirées à Tripoli, la grande ville du Nord qui compte une importante présence salafiste. À l’occasion de sa deuxième visite au Proche-Orient, après la Terre sainte en 2009, Benoît XVI prononcera pas moins de huit discours.

Après son arrivée, il se rendra à la basilique de Saint-Paul à Harissa, long vaisseau ultramoderne au nord de Beyrouth surplombant la mer, où il va signer "l’exhortation apostolique", fruit du synode sur le Moyen-Orient qu’il avait présidé en 2010. Cette exhortation devrait lancer un appel fort aux chrétiens à résister à la tentation de l’exil, qui s’est accentué depuis le début en 2011 du Printemps arabe. Une union d’oulémas basée au Qatar et présidée par le cheikh Yussef al-Qaradawi a accusé, quelques heures avant son arrivée, le pape de vouloir "attiser le feu de la sédition" entre chrétiens et musulmans libanais, et a dénoncé les "idées dangereuses" de ce texte. Ils ont réclamé des "excuses" du pape pour des propos tenus en 2006 dans lesquels il semblait associer l’islam à la violence.

Un des moments forts de sa visite sera la rencontre avec les jeunes, chrétiens et musulmans, samedi à 18 heures (17 heures à Paris) à Bkerké, siège patriarcal maronite (Église catholique orientale). Le même jour, il rencontrera au palais présidentiel les responsables politiques et religieux, dont les chefs des communautés musulmanes (sunnite, chiite, alaouite et druze). La visite sera clôturée dimanche matin par une messe solennelle sur une esplanade en plein air sur le front de mer, le City Center Waterfront de Beyrouth. Quelque 75 000 places assises sont prévues, mais des milliers de personnes pourront aussi assister à la messe debout. Selon les organisateurs, des délégations de chrétiens palestiniens, d’Égypte, de Chypre, de la Jordanie, de l’Irak et surtout de Syrie sont attendues à Beyrouth.

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