Convois armés, check-points, échanges de tirs sporadiques: la capitale
libyenne Tripoli reste en proie à l'insécurité malgré une baisse des
violences mais ses habitants sont confiants d'un retour à la normale.
Tripoli "est une ville qui aime la vie, veut la paix et doit la
retrouver", lance Mohamed, un étudiant de 19 ans attablé dans un café en
bord de mer à Tripoli qui à l'instar des autres grandes villes du pays
livré aux milices et plongé dans le chaos, est souvent le théâtre
d'attentats, de bombardements ou d'affrontements.
La métropole de plus d'un million d'habitants est sous la coupe de la
coalition de milices Fajr Libya qui s'en est emparée en août 2014 après
des combats acharnés et y a installé un gouvernement et un Parlement
parallèles après la fuite dans l'est du pays des autorités
internationalement reconnues.
La montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique, qui a
revendiqué de nombreuses attaques, y a renforcé le sentiment
d'insécurité.
Mais les Tripolitains tentent de s'adapter tant bien que mal.
Dans le grand quartier de Gargarech, sur la côte, commerces, boutiques
de marques, cafés et restaurants s'étirent sur quelque trois kilomètres.
Le boulevard est bondé avec d'énormes embouteillages.
Des femmes aux foulards multicolores, des hommes et des enfants se
baladent, certains faisant du lèche-vitrine, d'autres s'attablant dans
les cafés et restaurants.
Quasiment rien ne manque dans les magasins qui continuent d'importer via
le port de Tripoli, l'essence se vend à bas prix et la monnaie reste
stable (1,36 dinar pour 1 dollar US). Les coupures de courant deviennent
rares.
"Il y a eu quelques troubles, les gens ont déserté momentanément le
quartier" mais désormais ils reviennent, affirme Anas, employé dans un
restaurant.
"Cela ne veut pas dire que les gens sont totalement rassurés. Ils
craignent l'avenir, ils ont peur des explosions et des combats qui
risquent d'éclater à tout moment", dit-il.
Pour tenter d'assurer la sécurité, des convois armés sillonnent tous les
jours dans des 4X4 la capitale et des check-points sont érigés dans
certains quartiers. Leur nombre augmente en soirée.
"Certains habitants sortent le soir, mais d'autres préfèrent rester chez
eux en raison de la multiplication des check-points", affirme Anas. "Il
est difficile de savoir à qui on a à faire à ces barrages".
Même si les Tripolitains veulent oublier les violences qui ont
ensanglanté leur ville, les panneaux publicitaires sont là pour les leur
rappeler. Sur la route menant de Gargarech au centre-ville, les photos
de "martyrs" tombés lors des combats y sont placardés.
Et sur les murs et portes en couleurs du vieux Tripoli, graffitis et
inscriptions évoquent aussi bien la révolte qui chassa du pouvoir
Mouammar Kadhafi en 2011 que le conflit actuel.
"Libye libre", "Tripoli, la citadelle des hommes libres" et un dessin du
drapeau national adopté après la chute du régime Kadhafi côtoient les
inscriptions "Oui à Fajr Libya, Non au criminel Haftar".
Le général Khalifa Haftar est l'homme fort de l'armée qui, outre son
offensive contre les islamistes à Benghazi (est), mène des raids contre
Fajr Libya à l'ouest de Tripoli.
Pour l'expert à l'Institut libyen Sadeq, Anas al-Qomati, "les Libyens
veulent des choses opposées mais c'est sûr qu'ils ne veulent plus de
guerre. Il y a un besoin pressant pour une solution politique".
A la base militaire de Mitiga, dans l'est de Tripoli, ouverte au trafic
civil après que l'aéroport international a été endommagé par les
combats, Raja raconte sa deuxième tentative de retour au pays après des
années à l'étranger.
Il y a un an et demi, il y était revenu nourri de grands espoirs, mais
en est reparti quasi aussitôt après un drame survenu dans un supermarché
de Tripoli où des hommes armés ont menacé de le tuer avant d'emmener le
propriétaire.
Mais il a finalement voulu retenter sa chance: "J'aime ma ville et je
suis confiant que la paix s'y rétablira. Mais c'est sûr que je n'irai
plus jamais dans un supermarché".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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