La crise politique en Tunisie s’est approfondie cette semaine, faute de
compromis entre le parti islamiste Ennahda au pouvoir, ses alliés dans
le gouvernement et l’opposition sur un remaniement du gouvernement par
le Premier ministre islamiste Hamadi Jebali.
"La scène politique ressemble de plus en plus à un mercato, où Ennahda
marchande, et prétend vouloir élargir la coalition en refusant de céder
les ministères régaliens comme le lui réclament l’opposition et ses
partenaires", analyse un diplomate occidental parlant à l’AFP sous
couvert d’anonymat.
Mais en voulant conserver les portefeuilles clés, Ennahda "se tire une
balle dans le pied", estime un dirigeant du Congrès pour la république
(CPR), Adnène Mancer, également porte-parole de la présidence, laissant
entendre un risque d’éclatement de la coalition au pouvoir.
Le CPR et Ettakatol, les deux alliés de centre-gauche d’Ennahda dans le
gouvernement, ont menacé de claquer la porte de la coalition si le parti
islamiste refusait de lâcher les ministères de la Justice et des
Affaires étrangères.
Le Premier ministre Hamadi Jebali a mené durant de longues semaines
d’intenses consultations au sein de la coalition et avec l’opposition
sur un remaniement réclamé et attendu depuis des mois, avant d’annoncer
l’échec des pourparlers le 26 janvier dernier.
Depuis, les réunions d’états-major de partis s’éternisent et se
succèdent mais il n’en sort que des déclaration d’intention sur le
besoin d’un large consensus politique pour sortir de la crise.
Tous les partis d’opposition consultés ont refusé de se joindre à une
équipe gouvernementale accusée d’avoir échoué à réaliser les objectifs
de la révolution, alors que le pays est confronté à des conflits sociaux
et à l’insécurité, deux ans après la révolution de 2011.
Parti majoritaire dans le gouvernement et l’Assemblée constituante,
Ennahda avait évoqué pour la première fois un remaniement "imminent"
lors de son congrès en juillet.
Signe d’impatience, M. Jebali a interrompu sa participation à une
réunion d’urgence du conseil de la Choura, instance consultative
d’Ennahda, dans la nuit de vendredi à samedi, selon la radio Mosaïque
FM.
Il a aussi boycotté samedi une réunion, à l’initiative du président
Moncef Marzouki, entre Ennahda et ses alliés pour tenter de dégager une
sortie de crise.
M. Jebali, qui fait figure de modéré au sein de sa formation, souhaite
confier des ministères clés à des alliés politiques ou à des
indépendants, une éventualité rejetée par des ultras de son parti et son
chef Rached Ghannouchi.
Signe des clivages internes, son conseiller politique, Lotfi Zitoun, un
homme influent, proche de Ghannouchi et très critiqué par la classe
politique, a annoncé sa démission vendredi, affirmant qu’Ennahda n’avait
rien à gagner dans le remaniement voulu par M. Jebali.
Les ultras d’Ennahda refusent en particulier de voir limoger le ministre
des Affaires étrangères Rakik Abdessalem, gendre de Rached Ghannouchi,
éclaboussé par des accusations de corruption.
Le limogeage du chef de la diplomatie a été posé par le CPR comme une
condition de la poursuite de sa participation au gouvernement, selon un
de ses dirigeants, Chokri Yaacoub.
Autre pomme de discorde : le ministère de la Justice. Ettakatol réclame
le remplacement de l’islamiste Nourredine Bhiri par un indépendant, à
défaut de quoi le parti menace de quitter la coalition, a dit à l’AFP
son porte-parole Mohamed Bennour.
Les médias tunisiens ont suivi à la minute les tractations sur le remaniement, qualifiées de "feuilleton interminable".
Pour le chef du Front populaire Hamma Hammami, ce blocage "renvoie à une
crise au sein de la troïka (coalition au pouvoir) et au sein du parti
Ennahda".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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