"La vraie révolution en Syrie est terminée, nous avons été trahis" : le
coeur lourd, Abu Mahmud, chef respecté d’une katiba (unité) rebelle
d’un village du nord-ouest de la Syrie, ne cache pas son amertume.
"Notre belle révolution a été confisquée par les voleurs et les
corrompus", accuse ce leader rebelle, dans un réquisitoire sans
concession contre certains commandants de l’Armée syrienne libre (ASL)
qui se sont "enrichis honteusement pendant que les vrais
révolutionnaires meurent au front".
Ecoeuré de ces agissements, Abu Mahmud a rangé sa kalachnikov pour
"couper du bois et faire brouter ses chèvres dans la montagne",
raconte-t-il à l’AFP, dans le verger de sa maison d’Atmé, bourg
frontalier de la Turquie et base-arrière clé de la rébellion.
Son histoire est symptomatique d’un phénomène qui va croissant en zone
rebelle : des combattants de la première heure contre le régime de
Bashar al-Assad, ayant choisi de poser les armes, d’abandonner la lutte,
dégoûtés de la corruption régnant à la tête de l’ASL, selon eux.
"Ces soit-disant commandants nous envoient nous faire tuer et restent à
l’arrière pour se faire de l’argent. Ils ne viennent sur le front que
pour piller, ils ne se battent pas. Et pourtant ce sont eux aujourd’hui
qui sont à la tête de la rébellion", renchérit Abu Mahmud.
"Partout où ils passent, ils volent, ils pillent tout ce qu’ils peuvent
emporter, pour le revendre ici ou illégalement en Turquie" : voitures,
électroménager, machines, essence, antiquités... tout ce que vous pouvez
imaginer !"
Et de citer une dizaine de noms de commandants de l’ASL, dans la
province d’Idleb et la ville d’Alep. Tel cet officier des "Faucons" de
Damas, réputé pour ses "razzias" sur les appartements abandonnés d’Alep.
Ou ce patron d’un bataillon de cent hommes, qui a "vendu ses armes, ses
voitures et même son QG au poste-frontière de Bab al-Hawa", pour se
construire deux belles maisons et épouser une troisième femme.
Ou encore cet ancien artisan d’Atmé, au bord de la ruine avant la
révolution, qui s’est impliqué dans la logistique de l’ASL et l’aide aux
déplacés, et est aujourd’hui à la tête d’une écurie de voitures de
luxe...
"Le problème est que beaucoup de ces officiers véreux ont aujourd’hui des soutiens de l’étranger", blâme Abu Mahmud.
A Atmé, l’homme a toute la légitimité pour parler. Cet officier
déserteur, la trentaine bien entamée, est à la tête du "Bataillon 309",
une unité de 35 hommes installés sous un camp de tentes dans les
oliviers.
Peu disert, il est réputé pour son honnêteté. Ses soldats louent son
courage, comme la modestie de son train de vie, dont témoigne son vieux
4X4 brinquebalant.
La petite troupe a combattu un peu partout dans la région, dernièrement à
Alep. "Nous combattions avec seulement sept kalachnikovs, récupérées
sur l’ennemi", explique Abu Mahmud.
"Nous recevions un peu d’argent de Mustafa Cheikh", ancien chef de l’ASL. Ce soutien s’est arrêté avec sa mise à l’écart.
"Sur le front, des officiers nous donnaient parfois des munitions, mais
jamais d’armes ou d’argent. Celui qui nous dirigeait un moment à Alep
nous a envoyés comme des moutons à l’abattoir. Et nous n’avions même
plus de quoi manger...", s’attriste le leader insurgé.
"Pourquoi nous battons nous, pour qui mourrons-nous ? Pour notre pays ?
Ou pour ces gens qui volent les Syriens ?", s’indigne-t-il.
Abu Mahmud n’a pas voulu intégrer une autre unité. "Je n’en ai pas
trouvé d’honnête ou qui me convienne". Les islamistes ? "L’islam qui
vient avec ces gens me pose problème, ce n’est pas l’islam que je
connais".
Quelques-uns des hommes d’Abu Mahmud sont partis, d’autres sont là, "ils travaillent au village".
"Aujourd’hui, nous sommes ici, mais notre esprit est au front", avoue le
chef du Bataillon 309. "Nous avons abandonné la révolution, mais la
révolution elle ne nous laisse pas. Le jour viendra peut-être où sonnera
l’heure de rependre le combat..."
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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