Le président égyptien Mohamed Morsi a annoncé lundi sur CNN qu’il
comptait se rendre aux États-Unis d’ici la fin mars et qu’il entendait
plaider auprès du président Barack Obama pour la libération d’un
islamiste condamné à la prison à vie aux États-Unis pour complot
terroriste. "Avant la fin du premier trimestre, si Dieu le veut, je me
rendrai aux États-Unis et j’en serai très heureux", a déclaré sur la
chaîne américaine le président islamiste, dont une première visite à
Washington avait déjà été évoquée à la mi-décembre.
Mohamed Morsi a indiqué qu’il profiterait de ses entretiens avec son
homologue Barack Obama pour demander que le cheick Omar Abdel-Rahman
soit "libéré" de prison aux États-Unis pour des raisons "humanitaires",
même s’il a assuré "respecter les décisions de la justice américaine".
Fin septembre durant l’Assemblée générale de l’ONU, le président Morsi
avait déjà réclamé que le cheikh Omar Abdel-Rahman puisse purger sa
peine en Égypte. Il avait été condamné en 1995 à la prison à vie par la
justice américaine pour des complots visant à attaquer New York et à
assassiner l’ancien président égyptien Hosni Moubarak. Surnommé le
"cheikh aveugle", cet Égyptien a aussi été cité comme inspirateur des
premiers attentats contre le World Trade Center en 1993.
Après l’adoption fin décembre d’une Constitution controversée et au
terme de semaines de crise politique, les États-Unis avaient exhorté le
président égyptien à "mettre fin aux divisions" dans son pays.
Washington marche sur des oeufs depuis des mois avec l’Égypte, le
président Obama semblant privilégier sa relation avec son homologue.
Pour les Américains, le dilemme est de soutenir les aspirations
démocratiques des Égyptiens sans fâcher l’un de ses principaux alliés
régionaux qui est en outre lié à Israël par un traité de paix.
Face à la crise économique, Le Caire et Washington négocient depuis des
mois un allègement d’un milliard de dollars de la dette de l’Égypte
vis-à-vis des États-Unis et Le Caire a repris lundi ses discussions avec
le Fonds monétaire international (FMI) en vue de l’obtention d’un prêt
de 4,8 milliards de dollars.
***
L’Égypte, confrontée à un mur de défis économiques, discute avec le FMI
Déficit budgétaire en hausse, réserves de change en baisse, monnaie sous
pression : le gouvernement égyptien, remanié pour mieux affronter la
crise économique, fait face à une accumulation de défis dans un contexte
politique et social difficile, soulignent des analystes. Des
discussions avec le Fonds monétaire international pour un prêt de 4,8
milliards de dollars ont repris lundi au Caire avec le responsable du
FMI pour le Moyen-Orient, Masood Ahmed, qui s’est entretenu avec le
Premier ministre Hicham Qandil et devait rencontrer le président
islamiste Mohamed Morsi. L’obtention de ce prêt est considérée par
beaucoup comme une condition indispensable pour un redressement, mais
pas sans danger sur le plan social.
Le président Morsi a lui-même fixé un lourd cahier des charges à la
dizaine de nouveaux ministres en majorité titulaires de portefeuilles
économiques, dont celui des Finances, qui ont fait leur entrée dimanche
dans le gouvernement de Hicham Qandil. Le gouvernement doit "accélérer
les efforts pour relancer l’économie et la croissance, attirer les
investissements, consolider les exportations, encourager le tourisme,
créer de nouveaux emplois et améliorer les services publics", a-t-il
déclaré. "Les indicateurs sont alarmants", estime Ahmed el-Naggar,
économiste auprès du Centre d’études al-Ahram. "Le tourisme, qui
rapportait autrefois 13 milliards de dollars par an, ne rapporte plus
que 8,8 milliards." Quant au chômage, il a progressé de 9 à 12 % de la
population active en deux ans, ajoute-t-il, considérant toutefois ces
chiffres très en deçà de la réalité dans un pays où 40 % de la
population vit avec deux dollars ou moins par jour.
Dernier signe d’inquiétude en date, la devise égyptienne vient de tomber
en quelques jours de 6 à 6,4 livres pour un dollar, une dépréciation
dont la soudaineté traduit la difficulté de l’Égypte à défendre sa
monnaie et fait redouter des baisses supplémentaires. La Banque centrale
a reconnu que ses réserves de change, passées en deux ans de 36 à 15
milliards USD - soit de quoi couvrir théoriquement trois mois
d’importations - avaient atteint un niveau "critique", et a pris des
mesures pour limiter les sorties de devises du pays. "Pour que le
système marche, la confiance doit revenir rapidement, et il faut
commencer par un accord avec le FMI", souligne l’agence de notation
Fitch dans un récent communiqué sur la réforme du régime des changes
égyptien.
L’Égypte a elle aussi son "mur budgétaire". Le ministre du Plan, Achraf
Abdel Fattah al-Arabi, vient de déclarer dans la presse que le déficit
pourrait bondir de 50 %, à 200 milliards de livres (31 milliards de
dollars), par rapport aux prévisions pour l’année fiscale 2012-2013 "si
de strictes mesures économiques ne sont pas mises en place". Le nouveau
ministre des Finances, El-Morsi El-Sayed Hegazy, un universitaire
spécialiste de la finance islamique, s’est dès son investiture déclaré
"disposé à parachever les consultations avec le FMI pour conclure le
prêt", jugé décisif pour rétablir la confiance et débloquer d’autres
financements internationaux. Mais des mesures de rigueur y sont
associées, en particulier une révision des coûteuses subventions d’État
aux carburants ou à des produits alimentaires, qui permettent de garder
des prix très bas sur beaucoup de produits de base. En décembre, Mohamed
Morsi a dû geler quelques heures avant leur entrée en vigueur des
hausses de taxes sur de nombreux produits de consommation courante,
sacrifiant au moins provisoirement le redressement des finances
publiques pour éviter des tensions sociales.
La proximité d’élections législatives, prévues dans deux mois environ,
risque aussi de peser sur la capacité à mener des réformes. "Les tout
prochains mois vont être critiques", estime l’économiste Angus Blair,
qui dirige au Caire le Signet Institute. "On peut espérer que le nouveau
ministre des Finances arrive avec un plan créatif, mais force est de
constater qu’il va devoir travailler dans un contexte qui impose des
limites étroites."
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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