Le projet clé des islamistes tunisiens d’inscrire la criminalisation de
l’atteinte au sacré dans la Constitution sera exclu de la première
version complète de ce texte, qui sera débattue en novembre par les
députés, a annoncé à l’AFP le président de l’Assemblée nationale
constituante.
"Il n’y aura pas de criminalisation (ndlr : de l’atteinte au sacré),
bien sûr", a assuré Mustapha Ben Jaafar, dont le parti de centre-gauche
Ettakatol est allié aux islamistes d’Ennahda.
"Ce n’est pas parce que nous sommes d’accord avec les atteintes au
sacré, mais parce que le sacré est très très difficile à définir",
a-t-il ajouté.
Ennahda avait placé cette notion au coeur de son programme politique,
suscitant une levée de bouclier au sein de la société civile qui y voit
la porte ouverte aux atteintes à la liberté d’expression.
Selon M. Ben Jaafar, le principal point d’achoppement reste la question
du futur régime politique, les islamistes souhaitant un modèle
parlementaire tandis que les autres formations réclament un système
mixte laissant d’importantes prérogatives au chef de l’Etat.
"J’ai bon espoir pour que le compromis soit trouvé", a déclaré le
président de l’assemblée, rappelant qu’Ennahda avait déjà renoncé à
inscrire la charia dans la loi fondamentale.
Dès lors, une première mouture du texte sera soumise "en novembre" à
l’ANC en session plénière, puis les élus débattront chaque article "en
décembre-janvier".
"Je pense que raisonnablement (...), on aura nos élections avant l’été
2013", a ajouté M. Ben Jaafar, 72 ans, alors que la date d’adoption de
la loi fondamentale et le calendrier électoral font l’objet de toutes
les spéculations.
Onze partis politiques s’étaient engagés à rédiger la Constitution dans
un délai d’un an à compter de l’élection de l’ANC le 23 octobre 2011.
Une partie de l’opposition juge dès lors que le gouvernement et
l’assemblée perdront leur légitimité à cette date anniversaire.
M. Ben Jaafar a rejeté cette interprétation : "Un certain nombre de
partis se sont engagés à respecter la date d’une année (...) mais cette
date est beaucoup plus incitative que limitative".
"L’assemblée est totalement souveraine pour fixer son rythme de
travail", a-t-il insisté, ajoutant que la seule limite était un
engagement "politique et moral" à aboutir à un texte rapidement.
Le président de l’ANC a aussi promis de négocier "un consensus" sur le
nouveau calendrier "au sein de l’assemblée et en dehors", tout en
demandant que personne ne "mette en cause la légitimité de l’ANC", une
allusion au parti d’opposition Nidaa Tounes de l’ex-premier ministre
Beji Caïd Essebsi.
Le Premier ministre Hamadi Jebali, un islamiste, a promis d’annoncer un nouveau calendrier consensuel le 18 octobre.
Face aux accusations de dérive autoritaire et d’échec sur le front
socio-économique, au coeur des objectifs de la révolution de 2011,
M. Ben Jaafar a reconnu des "fautes" du gouvernement.
"C’est un gouvernement où certains responsables ont manqué d’expérience
et ont commis des fautes (...). Il y a des réussites, il y a aussi des
échecs", a-t-il analysé, citant pour la seconde catégorie le cas d’une
femme violée par des policiers et confrontée à la justice pour atteinte à
la pudeur.
"Là, on a commis une faute", a insisté M. Ben Jaafar, déplorant un amalgame "inacceptable".
De plus, "le gouvernement a manqué de fermeté" à l’égard des islamistes
radicaux responsables des violences ayant "terni l’image de la Tunisie",
comme l’attaque meurtrière de l’ambassade de américaine mi-septembre, a
reconnu le président de l’ANC.
"La leçon a été tirée", mais ces ces groupes ne constituent pas "un
risque majeur pour l’avenir de la démocratie", la vraie menace étant "un
retour à l’ancienne dictature", a-t-il insisté.
Justifiant son alliance avec les islamistes, M. Ben Jaafar a reconnu "un
choix difficile" dans l’intérêt de la nation, mais "pas assez compris"
jusque dans les rangs de son parti déserté par huit de ses 20 députés.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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