Mustafa Abou Chagour renvoyé avant même de prendre ses fonctions de
Premier ministre libyen, paye le prix d’un rapprochement invraisemblable
entre libéraux et islamistes qui semblent décidés à diriger ensemble un
futur gouvernement d’union.
Les deux blocs principaux au Congrès général national (CGN), l’Alliance
des forces nationales (AFN, libérale) de Mahmud Jibril, et le Parti de
la justice et de la construction (PJC) issu des Frères musulmans, ont
décidé dimanche de renvoyer M. Abou Chagour après avoir rejeté sa
seconde liste du gouvernement.
Mais selon M. Abou Chagour, son renvoi a été motivé par son refus de
s’incliner devant les exigences de ces deux blocs pour la formation de
son cabinet.
Selon une source de l’AFN, les deux partis se sont mis d’accord pour
former un gouvernement d’union après avoir décidé d’exclure M. Abou
Chagour, un technocrate indépendant élu le 12 septembre par le CGN, la
plus haute institution politique du pays.
Cette option a été proposée par plusieurs membres du CGN lundi lors
d’une séance consacrée à examiner la procédure à suivre pour désigner un
nouveau Premier ministre.
Pourtant, le bloc du PJC au Congrès avait voté pour M. Abou Chagour,
après l’élimination de son candidat au premier tour. Et M. Abou Chagour,
qui était un temps considéré comme proche des islamistes, l’avait alors
emporté avec deux voix d’avance sur M. Jibril, grâce au soutien du PJC.
"Est ce que tout le monde est convaincu maintenant que je ne suis pas
issu des Frères (musulmans) ?" a écrit lundi M. Abou Chagour sur son
compte Twitter.
La veille, il avait présenté au CGN un gouvernement de crise restreint à
dix ministères, après le rejet d’une première liste jeudi. Mais son
sort était déjà scellé.
"Il savait déjà que sa proposition serait rejetée, avant même d’aller
présenter son nouveau cabinet", a indiqué à l’AFP une source de son
bureau.
Il était sous pression pour former un gouvernement représentatif de
toutes les régions et des diverses tendances, dans un pays où le nouveau
pouvoir n’arrive pas à asseoir son autorité face à l’insécurité et la
multiplication des milices armées.
L’éviction de M. Chagour devrait conduire à une nouvelle période
critique de transition, après l’échec du cabinet sortant à rétablir la
sécurité et à asseoir son autorité face aux milices armées qui font la
loi dans le pays depuis la chute du régime de Muammar Kadhafi en
octobre 2011.
En présentant sa nouvelle liste dimanche, M. Abou Chagour n’a pas mâché
ses mots, critiquant les membres du Congrès et les blocs politiques qui
avaient rejeté sa première proposition.
"Il est regrettable que je ne suis plus digne de confiance pour
certains, parce que j’ai refusé à satisfaire leurs demandes
irréalistes", a-t-il dit. "Quand j’ai commencé à remanier la liste, j’ai
essayé de contacter les partis en vain.
Parce qu’ils avaient déjà décidé de me retirer la confiance".
"Le premier gouvernement n’était pas parfait. Et nous aurions pu en
discuter et le remanier (...) mais les demandes des membres du Congrès
étaient irréalistes : certains exigeaient un portefeuille bien précis
pour leur région, un bloc politique a demandé onze portefeuilles et un
autre en a exigé neuf" !, a-t-il déploré.
"Je n’abandonnerai pas mes principes et mes convictions", a déploré
M. Abou Chagour, en faisant état de "chantage" de la part de membres du
CGN.
L’AFN de M. Jibril, une coalition d’une soixantaine de petits partis
libéraux menée par des architectes de la révolte de 2011 contre le
régime de Muammar Kadhafi, détient 39 sièges sur les 80 réservés aux
partis politiques. Le PJC est la deuxième formation du Congrès avec 17
sièges.
Les 120 sièges restants ont été attribués à des candidats indépendants aux allégeances et convictions différentes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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